Le cycle continue. Il est aujourd’hui question d’imprimerie.
L’imprimerie a permis la multiplication des livres d’où l’importance de la création du papier. Quand l’imprimerie et le papier émergent, les premiers à s’en servir sont Luther et Calvin pour imprimer la Bible en français (et non plus en latin) en 1000 exemplaires d’où la démocratisation du savoir dont l’imprimerie est à l’origine.
Cette invention permet la sape du pouvoir religieux. En Europe, via la Suisse, le jumelage de ces deux inventions produit la démocratisation du savoir religieux (ce qui aboutira 100 ans plus tard aux guerres de religions). L’idée est devenue une force.
A l’inverse, l’émergence de l’imprimerie en Chine a posé des problèmes à cause des idéogrammes. L’impression des livres est d’un coût important et il y a un resserrement autour du pouvoir qui seul a les moyens de faire imprimer les livres de son choix. L’état distribue la connaissance à son gré d’où le renforcement du pouvoir central.
Il y a des subdivisions dans chacune des 3 grandes sphères proposées par les médiologues. Debray décrit la logosphère comme la sphère de l’idole où l’image est identifiée à Dieu dans c’est une image qui provoque l’idolâtrie (ère de l’idole). Le totem est un exemple typique de la représentation du dieu lui-même. Ça n’est pas un simple bout de bois mais une image du dieu.
Dans la graphosphère, on rentre dans l’ère de l’icône.
Cf. la querelle des iconoclastes et des iconophiles à Byzance dure plus ou moins 100 ans. Irénée (752-803), sainte orthodoxe, est « Bazyleus de Byzance » (= empereur d’Orient), c’est elle qui révoque « l’édit de persécution » édicté par Léon III (les iconoclastes deviennent des hérétiques) et qui permet la représentation et l’adoration des images de Dieu. Elle creva les yeux de son fils, Constantin VI, pour garder le pouvoir, car en l’empêchant de voir, elle l’empêche aussi de régner. Irénée, qui voulait se marier avec Charlemagne dans le but d’unifier l’Orient et l’Occident. C’est le début du « mythe de l’art » (vitraux, fresques,…). Durant l’ère de l’icône, on a le droit de représenter et d’adorer le divin. On ne prend pas l’icône pour un dieu mais pour une représentation. Cf. Mondzain sur la querelle des images à Byzance.
Au 12ème siècle, Grégoire de Tours élabore un manuel de la communication par l’image (« comment aider le peuple à aimer Dieu ? » : vitraux,…). L’image est la « Bible des illettrés ». Pour produire la foi, il faut permettre l’adoration de l’image. L’idée principale est la propagation de la foi. Il ne faut pas non plus oublier les représentations théâtrales (« les mystères ») représentés sur les parvis des cathédrales.
En 1839, on voit apparaître la naissance de la photographie qui est un rude coup pour la peinture. La peinture perd alors son usage fondamental.
La vidéosphère est l’ère dans laquelle l’image n’est plus un être ou une chose, mais une simple perception (un être : totem, idole/une chose : représentation). Une perception est abstraite, elle ne se concrétise pas, elle ne reste pas, elle est évanescente. La perception n’est pas quelque chose qui s’enracine. La vidéosphère relève donc de l’évanescent (contraire de la mémoire).
L’Occident est ainsi passé de la vision (devant le totem) à la voyance (devant l’icône) et enfin au visionnage (de rush par exemple). Ce déplacement est ce que Debray appelle le « triomphe du nouveau sur le beau et le saint », et c’est le « triomphe de l’actualité sur l’éternité et l’immortalité ».
Pour Debray, la vidéosphère établit l’homme dans l’actuel, ce qui le condamne à la désinformation et à l’oubli (cf. la condamnation par Socrate de l’écriture). Toute nostalgie, qui disqualifie une transformation subite, est suspecte.
Est-ce que l’Occident saura échapper à ces perceptions qui ne font que construire un réel fictif, une réalité virtuelle à laquelle nous conduisent la T.V. et les réseaux ?
Vico, penseur et historien italien, écrit en 1725 Scienza Nuova où il distingue 3 espèces de caractères, caractères propres à chaque âge de ce qu’il appelle « la marche des nations »:
· Les caractères hiéroglyphiques : la marche des dieux (1er âge)
· Les caractères héroïques : la marche des héros (2ème âge)
· Les caractères vulgaires : la marche des hommes (3ème âge).
Vico considère que seuls les caractères vulgaires, c’est à dire alphabétiques, rendent possibles une écriture qui ne soit pas confisquée par les prêtres, les « scribes » (lettrés). La pensée de Vico ne se termine pas sur un constat d’échec, de décadence (vision optimiste). Vico fait la description d’une marche vers la liberté.
Malesherbes : (1721- exécuté en 1794)
Malesherbes est un avocat qui a défendu Louis 16 au cours de son procès. Ami de Chateaubriand qui selon lui était un « homme aux vertus antiques et aux opinions nouvelles », il n’était pas contre l’avancée des idées. Malesherbes était Directeur de la Librairie, qualifié de « Ministère de la Typographie par Voltaire. Sous l’Ancien Régime, le Directeur de la Librairie est à la fois ministre de l’Intérieur et de la Culture. Sous Charles V (XIVème siècle), la bibliothèque royale est créée, tout cela dans le but de lutter contre « l’index » du Vatican (prétention de Rome de dicter ce qui peut être imprimé et ce qui ne peut pas l’être, d’où l’expression « mise à l’index »). La bibliothèque royale et le directeur de la librairie font en quelque sorte figure de censure interne. Dans Le Mariage de Figaro (publié en 1775), Beaumarchais situe son action en Espagne et fait référence à la censure exercée sur la presse.
Au 16ème siècle, le premier journal autorisé est La Gazette de Théophraste Renaudot. Ce journal a le monopole absolu, Renaudot est le seul à avoir le droit de faire un journal en soumettant avant tous les textes à la censure royale. Le directeur de la librairie autorise au compte-gouttes la création de nouveaux journaux (la censure est absolue sous l’Ancien-Régime).
Malesherbes a publié un texte nommé Les Remontrances en tant que directeur de la librairie et président de la Cour des aides (avec cette fonction, Malesherbes a le droit et le devoir de faire des remontrances aux autres Cours et au roi). Malesherbes adresse donc des remontrances au roi.
Malesherbes est un ami de Jefferson (personnage à l’origine de la déclaration d’indépendance). Malesherbes est à l’origine de la loi des trois états :
· « L’âge des conventions verbales » : sous cette ère la publicité, au sens de diffusion (fait de porter à la connaissance de…), est assurée mais pas la fixation des lois (équivalent de l’âge pré-alphabétique, oral).
· « L’âge de l’écriture » : il fixe les lois mais substitue le secret à la publicité. C’est le règne des scribes, des lettrés qui confisquent le savoir (on se trouve encore dans un régime de tyrannie).
· « L’âge de l’impression » : qui permet enfin la fixation et la publicité des lois.
Ces trois âges proposés par Malesherbes sont optimistes.